Aux portes de la cité, et dans vos foyers, je vous ai vus vous prosterner et adorer votre propre liberté,
Comme des esclaves qui s'humilient devant un tyran et qui le glorifient alors qu'il les détruit.
Oui, dans le bocage du temple et dans l'ombre de la citadelle, j'ai vu les plus libres d'entre vous porter leur liberté comme un joug et des menottes.
Et mon coeur saigna en moi; car vous ne saurez être libres que lorsque même le désir de parvenir à la liberté deviendra pour vous un harnais et lorsque vous cesserez de parler de la liberté comme d'un but et d'un achèvement.
Vous serez libres en vérité non pas lorsque vos jours seront sans un souci et vos nuits sans un désir et sans une peine,
Mais plutôt lorsque ces choses enserreront votre vie et que vous vous élèverez au-dessus d'elles nus et sans entraves.
Et comment vous élèverez-vous au-dessus de vos jours et de vos nuits, si vous ne brisez les chaînes dont à l'aube de votre entendement vous avez chargé votre heure de midi ?
En vérité ce que vous appelez liberté est la plus forte de ces chaînes, bien que ses anneaux brillent au soleil et vous éblouissent..."
Khalil Gibran (Le Prophète)